Sacrifiction


Profanation et sacralisation en art et en littérature
Colloque international organisé par la Chaire de recherche du Canada en esthétique et poétique de l’UQAM du 12 au 15 avril 2010 en tandem avec le colloque ART+RELIGION organisé par le Musée d’art contemporain de Montréal du 15 au 17 avril 2010.

La question du sacré revient en force dans la littérature et l’art d’aujourd’hui, mais dans un contexte à la fois de laïcité ou d’athéisme généralisé, parfois même militant, et de retour massif du religieux, non seulement à travers les intégrismes et les fondamentalismes de toutes sortes, mais aussi par le biais d’une pensée philosophique qui sent de nouveau le besoin de revenir sur les fondements, la déconstruction et la confrontation des monothéismes, y compris dans leurs rapports au « sacré sauvage », à la pensée chamanique ou totémique, bref, aux formes ataviques et immémoriales du religieux. Or la fiction poétique et romanesque, de même que les arts visuels et médiatiques, où se réinventent à tout moment les mythes et les rites les plus prégnants de notre culture — grâce au polylogisme de leur énonciation, qui leur permet à la fois d’incarner et de mettre à distance toutes les croyances et les mécréances qu’ils mettent en scène —, constituent l’un des lieux discursifs où la mise en rapport du sacré et du sacrilège, dans leurs dimensions philosophique et politique, se pose avec le plus de force, loin de tout système de valeurs figé et de tout refoulement systématique du passé.

La fiction et l’art actuels se définissent comme laïcs et profanes mais restent travaillés dans leur fond(s) par les transcendances de toutes sortes qu’ils héritent notamment des grands archétextes qui sous-tendent l’ensemble de notre culture. Depuis la « mort des dieux », l’œuvre littéraire ou artistique ne cesse d’interroger le destin de l’homo sacer, à la fois bénit et maudit, comme dit le sens étymologique du mot sacré, qui vise de manière générale ce qu’on met au « secret » (ce qui est mis au ban), en jouant notamment sur l’ambiguïté du « sacrifice » dans sa dimension à la fois rituelle et morale. Notre objectif est de mettre en lumière les mécanismes de profanation et de sacralisation par lesquels l’art et la littérature mettent au jour le fond archaïque le plus enfoui dont dépend le lien social comme laïcisation de la religio (de la liaison par et dans le sacré) et met en jeu toutes formes de liens institués, toutes croyances qui lient, dans une dynamique du sacrifice et du sacrilège où le « secret » est révélé, le « voile du temple » déchiré, les « tables de la loi » mises en morceaux. L’hypothèse de fond que nous pourrons interroger est que l’art et la littérature constituent aujourd’hui l’interface (souvent imperceptible) entre le religieux et le politique, à travers laquelle nous pouvons mieux comprendre à la fois les fondements plus ou moins refoulés de la socialité et les processus de « mise en œuvres » grâce auxquels les mythologies les plus archaïques peuvent servir à l’anticipation imaginative de notre destin historique.

Aucune inscription nécessaire et l'entrée est gratuite.

Programme:

Lundi 12 avril : Salle de l’Agora du Cœur des sciences de l’UQAM

13 h30 : M.Claude Corbo, recteur, et Mme Louise Poissant, doyenne de la Faculté des arts : Mots de bienvenue
13h45 : Pierre Ouellet (Montréal) : Fictions du sacré : présentation
14h30 : Éric Clémens (Bruxelles) : Aujourd’hui le sacré : quelle signifiance ?
15h15 : pause
15h30 : Philippe Beck et Emmanuelle Garcia (Nantes, Paris) : Le discours séparé : les antinomies de la poésie pure
16h15 : Jean-Pierre Vidal (Chicoutimi) : Le martyr aveugle, ou le monstre, le roi et les nus désœuvrés

Mardi 13 avril : Salle de l’Agora du Cœur des sciences de l’UQAM

9h00 : Michael Brophy (Dublin) : « Ciel d’aujourd’hui » : ruine et réinvention du sacré
9h45 : Bertrand Rouby (Limoges) : Le symbole dilapidé : trois poètes face à la ruine
10h30 : pause
10h45 : Étienne Beaulieu (Winnipeg) : Se sacrifier pour les morts : à propos de Mathieu Riboulet
11h00 : Simon Harel (Montréal) : Profanation et violation : Penthésilée de Kleist
12h15 : repas
14h00 : Paul Chamberland (Montréal) : Un Christ prostitué : sur la poésie de Denis Vanier
14h45 : Christian Saint-Germain (Montréal) : Miron l’augural : penser la fin d’un temps sans histoire
15h30 : pause
15h45 : Michaël La Chance (Chicoutimi) : Écritures os-écailles
16h30 : Émilie Granjon (Montréal) : Le sacré à l’œuvre : autour de la transformation de la matière

Mercredi 14 avril : Salle de l’Agora du Cœur des sciences de l’UQAM

9h00 : Yannick Haenel (Paris) : Le sceptre d’Ulysse
9h45 : Filippo Palumbo (Bologne) : La gnose matérialiste contemporaine et l'expérience de la parole sacrificielle
10h30 : pause
10h45 : Guillaume Asselin (Montréal) : Des cercles dans des cercles : diagrammatique de l’âme
11h30 : Sarah Rocheville (Sherbrooke) : Quand le sacrifice est inutile : Echenoz et Jauffrey
12h15 : repas
14h00 : Stéphane Zagdanski (Paris) : « Écrire comme forme de la prière »
14h45 : Fabienne Claire Caland (Montréal) : Le devenir-symbole et le rester-signe
15h30 : pause
15h45 : Salah Oueslati (Tunis) : La réinvention du sacré : présence et absence chez Mallarmé et Bonnefoy
16h30 : Naïm Kattan (Montréal) : Le caractère sacré de la vie (conférence de clôture)
19h00 : Lancement de la revue Les écrits (no 128)
et des ouvrages de la collection « Le soi et l’autre » (2009-2010) :
Sarah Rocheville : Études de voix : sur Louis-René des Forêts
Éric Méchoulan : D’où nous viennent nos idées ? Métaphysique et intermédialité
Pierre Ouellet : Où suis-je ? Paroles des Égarés

20h00 : Lectures des écrivains invités :
Yannick Haenel
Philippe Beck
Alain Fleischer
Éric Clémens
Bernard Sichère
Stéphane Zagdanski

Jeudi 15 avril : Salle de l’Agora du Cœur des sciences de l’UQAM

séance conjointe avec ART+RELIGION

animée par Pierre Ouellet
14h00 : Marie-José Mondzain (Paris) : Le carnaval comme figure moderne de la désacralisation
14h45 : Bernard Sichère (Paris) : L’œuvre, la Chose, le divin et le sacré
15h30 : Alain Fleischer (Paris) : titre à déterminer